Changements au FMC: une entrevue avec Janine Steele
Publié le 13 juin 2024 access_time 5 minutesLe 6 mars 2023, le Fonds des médias du Canada annonçait l’arrivée de Janine Steele au sein de son équipe. Valerie Creighton, présidente et chef de la direction du FMC, soulignait alors: «avec son aide, nous continuerons à trouver des possibilités uniques et stimulantes de servir l’industrie des médias numériques interactifs».
Comment Janine Steele allait-elle s’y prendre pour relever ce défi de taille?
Nous l’avons rencontrée pour répondre à cette question, mais aussi pour en savoir plus sur son parcours, sa première année en poste et sur les améliorations apportées aux programmes du FMC en 2024.
*L’entrevue suivante a été éditée pour en faciliter la lecture et féminiser le texte.
Vous avez été nommée directrice, médias numériques interactifs, en mars l’année dernière. Pouvez-vous aussi nous en dire plus sur votre parcours avant votre arrivée au Fonds des médias du Canada?
J’ai travaillé dans le domaine pendant près de 20 ans, à la fois au niveau provincial et au niveau fédéral. J’ai accumulé beaucoup d’expérience en matière d’élaboration de programmes de subventions et d’administration de fonds, bien qu’il s’agissait de sommes beaucoup plus modestes.
Aussi, dans le cadre de mon rôle à l’Office national du film, j’ai travaillé du côté de la production. J’aime penser que je comprends ce que les producteur.rice.s vivent sur le terrain et j’essaie de faire évoluer nos politiques, au FMC, pour soutenir le travail qu’ils.elles font.
Comment s’est déroulée votre première année au FMC?
L’année a été passionnante! C’est une organisation très influente, tant au Canada que dans le monde entier. Il n’y a qu’une poignée de bailleurs de fonds publics qui investissent massivement dans les médias interactifs. C’est pourquoi je n’assume pas à la légère cette responsabilité.
Mon principal objectif est de rendre le processus de financement plus en phase avec la manière dont les producteur.rice.s et les créateur.rice.s travaillent. J’ai donc essayé d’observer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et où nous pouvons commencer à mettre en œuvre des changements qui soutiennent l’industrie.
Quels sont les plus importants changements concernant les programmes de médias numériques interactifs pour 2024?
Nous avons restructuré et reformaté l’arborescence de nos programmes en éliminant les termes «convergent» et «expérimental». Nous nous concentrons maintenant davantage sur les axes «linéaire» et «médias numériques interactifs». En fait, ces changements ont pour but de refléter la réalité actuelle. Les formes et genres qu’on considérait comme étant «expérimentaux» ne le sont plus vraiment aujourd’hui. Ils constituent un secteur et une industrie importante qui a le plein soutien du FMC.
Si on pense à comment les informations sont rassemblées, il y a aussi eu des modifications. Au total, nous comptons entre 25 et 30 programmes au FMC et plusieurs politiques sont communes à chacun d’entre eux. Nous avons donc rassemblé ces lignes directrices dans trois modules principaux de principes directeurs: deux du côté linéaire (développement et production) et un pour les médias numériques interactifs. À cela s’ajoutent les principes directeurs qui sont spécifiques à chacun des programmes.
En ce qui concerne les médias numériques interactifs, il n’y a pas eu de changement en profondeur de nos programmes. Nous continuons d’échanger avec la Guilde du jeu vidéo du Québec, Xn Québec et les membres de la Canadian Interactive Alliance pour évaluer les besoins de l’industrie. En général, les programmes sont extrêmement populaires et nous ne voulons pas changer une combinaison gagnante. Les discussions se poursuivent avec le gouvernement ainsi qu’avec notre conseil d’administration dans le but d’avoir plus d’argent à notre disposition afin de développer de nouveaux programmes.
Ceci étant dit, il y a quand même eu quelques changements. Nous avons trois programmes sélectifs et un programme «premier arrivé, premier servi». Pour les programmes sélectifs, les décisions sont prises selon une grille d’évaluation et cette grille comprend un certain nombre de points en lien avec les responsabilités culturelles et sociales. À cet égard, nous avons donc modifié la manière dont nous évaluons le positionnement narratif. En réponse aux commentaires d’intervenants du secteur, nous avons rendu l’évaluation plus objective en y ajoutant la présentation d’un plan d’engagement avec la communauté. Nous voulons que les projets que nous soutenons soient menés de manière responsable et sans préjugés, en particulier lorsqu’ils impliquent des personnes issues de communautés vulnérables. En outre, pour les projets de médias numériques interactifs, le plan s’applique au marketing et à la diffusion du projet, et non seulement dans la production du contenu.
Nous avons également ajouté des points pour la mise en place d’un plan de développement durable. Nous voulons encourager l’industrie des médias numériques à prendre de l’avance en termes d’adoption de meilleures pratiques écologiquement durables dans le domaine des médias numériques interactifs.
En ce qui concerne le programme d’innovation et d’expérimentation, la définition de ce qu’est une «innovation» semble avoir été modifiée. Pouvez-vous nous en dire plus?
Il s’agit seulement d’un petit éclaircissement. Notre vision de l’innovation, dans le cadre du programme, a toujours été l’innovation sous toutes ses formes.
Ceci étant dit, nous avons remarqué, lorsque nous avons examiné de plus près nos critères d’évaluations, que le libellé faisait état d’utilisation de technologies innovantes. Nous voulions donc nous assurer qu’il soit bien clair que nous sommes ouverts à l’innovation au sens large du terme. Cela inclut de nouvelles façons de raconter des histoires rendues possibles grâce à des technologies novatrices.
Parlant d’innovation… J’ai remarqué que le FMC a aussi mis en place des lignes directrices concernant l’emploi de l’intelligence artificielle…
Oui, l’IA représente à n’en point douter un énorme élément perturbateur. Le FMC se trouve dans une position où il veut écouter, apprendre et s’assurer qu’il encourage l’innovation, sans toutefois en limiter les possibilités. C’est aussi important de protéger l’être humain, en particulier au sein du secteur créatif.
C’est pourquoi nous avons élaboré des principes directeurs pour cette année. Nous nous devions d’emboîter le pas. Nous n’essayons pas de mener la conversation sur le sujet. Nous essayons d’être prudents et de refléter ce qui se passe dans la réalité.
Nous voulons seulement dire à nos candidat.e.s : «si vous travaillez avec l’IA générative, assurez-vous d’en faire un usage responsable et éthique et de faire preuve de transparence quant à son emploi». À partir de cette année, tous les candidat.e.s qui présentent une demande au stade de la réalisation finale de leur projet seront invités à divulguer l’utilisation de l’IA générative dans l’œuvre complétée.
Les programmes de médias numériques interactifs regroupent les jeux vidéo et les expériences immersives. Comment comparez-vous ces deux types de projets?
Nous encourageons l’emploi de la technologie qui correspond le mieux à l’histoire ou l’expérience que vous essayez de créer. Je pense que nos programmes reflètent cette volonté d’être agnostique sur le plan formel.
Nous faisons un effort très concerté pour nous assurer que les jurys qui évaluent ces programmes soient représentatifs des deux côtés du secteur.
Nous ne nous attendons pas nécessairement à ce que les chiffres d’un projet XR soient les mêmes que ceux d’un jeu vidéo à grande échelle. Il est plutôt question d’évaluer comment vous serez en mesure d’atteindre vos propres objectifs. En d’autres termes, vos cibles sont-elles réalistes pour le type de projet que vous réalisez et quelles actions mettrez-vous en œuvre pour les atteindre?
En fin de compte, je dirais qu’historiquement, 70 à 75 % de nos fonds sont consacrés aux jeux vidéo traditionnels et que les 30 % vont aux projets immersifs XR ainsi qu’aux applications logicielles. Nous continuons donc à les voir se concurrencer au sein d’un même programme et obtenir de bons résultats.
Par exemple, le FMC a financé The Roaming, du studio Normal, une expérience interactive immersive récemment sélectionnée pour la compétition immersive inaugurale du Festival de Cannes. Nous avons également soutenu l’exposition Sexe, Désir et Data du Centre PHI, qui vient de remporter un PRIX NUMIX pour la meilleure exposition in situ (international).