Cité mémoire : de Pointe-aux-Trembles à Barcelone


Cité mémoire : de Pointe-aux-Trembles à Barcelone

Publié le 4 août 2022    access_time 5 minutes

Entretien réalisé par David Lamarre avec Martin Laviolette et Luci Tremblay 

Depuis 2016, les différents tableaux constituant Cité mémoire illuminent plusieurs édifices du centre-ville de Montréal. En mai dernier, un 28e arrêt s’est ajouté au circuit. Intitulée La pointe de l’île, la projection signée Michel Lemieux et Michel Marc Bouchard est présentée sur les pavés de la Place du Village, à Pointe-aux-Trembles. 

Pour en apprendre davantage sur ce projet technocréatif d’envergure, je me suis entretenu avec Luci Tremblay (directrice stratégie et développement, H2Emotion) et Martin Laviolette (directeur général et producteur délégué de Montréal en Histoires ainsi que président-directeur général de H2Emotion). 

Les questions et réponses ont été légèrement éditées pour faciliter la lecture du texte. 

Pour faire un tableau comme La pointe de l’île à Pointe-aux-Trembles, ça prend combien d’artistes et d’artisans ? 

Martin : En plus de Michel Lemieux et Michel Marc Bouchard, quand on parle des voix, des techniciens et des traducteurs, on parle d’une équipe de 25 à 30 personnes. En musique, je le nomme, car c’est lui qui a créé toute la musique de Cité mémoire : Maxime Lepage. D’ailleurs, je disais à Maxime au lancement de Pointe-aux-Trembles que la musique est vraiment magnifique et qu’on devrait lancer l’album Cité mémoire. Il m’a répondu : « Ça va être un album double ». 

Pour La pointe de l’île, il n’y a pas de personnages, mais quand il y en a, il faut compter aussi les équipes de tournage, les comédiens, les comédiennes… 

Le générique complet de Cité mémoire, quand on a lancé nos 19 premiers tableaux, comptait 400 noms. Quand on met bout à bout tous nos tableaux, ça fait un film de quatre heures et demie ! 

Et on parle de combien de projecteurs pour tous ces tableaux ? 

Martin: Je ne connais pas le chiffre exact, mais c’est pas loin de 120 projecteurs. La majorité est à l’extérieur, mais on en a quelques-uns à l’intérieur. On a deux tableaux au Reine Élisabeth et un au Complexe Desjardins sur l’histoire de Dorimène et Alphonse Desjardins. 

C’est le plus grand parcours de projections vidéo au monde. 

Pour en savoir plus sur les projecteurs utilisés pour illuminer Cité mémoire, consultez l’étude de cas sur le site de Panasonic.

Vous avez récemment présenté un tableau de Cité mémoire dans le cadre de l’International Symposium on Electronic Arts à Barcelone. Comment avez-vous adapté l’œuvre pour présenter l’histoire de Montréal en dehors de Montréal ? 

Martin: Le tableau qu’on a présenté est celui du Palais de justice. On l’a choisi, car il racontait quatre siècles d’histoire de Montréal. Pour ce tableau-là, les artistes ont utilisé des images tournées par des drones un peu partout à Montréal. Ça offre une vision de Montréal tout à fait magnifique. 

Habituellement, il est présenté sur deux tours. On a dû le modifier pour le projeter sur une tour. Le travail a été fait par Normal Studio et Michel Lemieux. 

On a eu deux soirées de tests avant la projection. Mais pendant les tests, Michel a vu qu’un des projecteurs était inutilisé. Tu ne peux pas lui laisser un projecteur comme ça ! Il a décidé de le prendre pour étirer l’image jusque dans les escaliers au pied de l’immeuble et ainsi faire couler la rivière dans les marches. On faisait affaire avec une équipe technique là-bas et quand Michel leur a dit ce qu’il voulait faire, ils ont fait une drôle de tête, comme si c’était impossible. Finalement, ils l’ont fait et c’était superbe! 

Et comment avez-vous été accueillis en Espagne ? 

Martin : On a fait une interview télévisée pour les nouvelles de 18h. On a fait 2-3 journaux, dont La Vanguardia, un des principaux quotidiens d’Espagne plus les pages centrales de Diari Ara. On a eu une visibilité extraordinaire là-bas ! 

Lors des projections, on pouvait voir des images de drones de la ville de Montréal, mais sur un édifice historique et reconnu de Barcelone. C’était très beau, très poétique.  

Luci : Voir la quantité de gens qui filmaient avec leurs téléphones, c’était vraiment impressionnant. 

Martin : C’était une belle visibilité pour nous, Cité mémoire, mais c’était aussi une belle visibilité pour Montréal. On est vraiment reconnu à l’international. On a engagé une équipe technique sur place et il y avait une fierté pour eux de travailler avec des créateurs montréalais. 

Luci : À propos de la force de la créativité montréalaise… Le premier matin, on avait une rencontre à la UOC (Universitat Oberta de Catalunya). Ils disaient tous à quel point on est bon à Montréal et à un moment donné, il y en a même un qui a dit — et je le cite — « On aimerait ça vous copier. » 

Martin : Et je lui ai dit : « Engage-nous à la place ! » 

Dans un contexte où justement, il y aura de plus en plus de concurrents partout dans le monde, comment peut-on épauler les producteurs d’expériences numériques d’ici afin qu’ils demeurent à l’avant-garde ? 

Martin : C’est vraiment la qualité artistique qui fait foi de tout. Si on prend Cité mémoire : Michel Lemieux, Victor Pilon et Michel Marc Bouchard ont su exactement toucher les gens. Je le dis parfois au bureau : « Si on est assis ici, c’est parce qu’on a une œuvre de génie entre les mains. » 

Dans notre plan d’affaires, on devait changer nos images tous les deux ans. Mais là, au lieu de les changer, on en ajoute ! On a plein d’autres projets à Montréal. Il y a d’autres choses qui s’en viennent. 

Ce qui nous différencie au Québec, c’est la signature artistique. Pour rester au sommet, il faut se donner les moyens de conserver cette signature artistique. 

Luci Tremblay

Martin : Au Québec et au Canada, on commence à avoir plus de programmes de financements au niveau des gouvernements. Or, il y a certains programmes qui devraient être plus réactifs au développement et aux innovations. 

Des fois, au niveau des bailleurs de fonds, ça ne suit pas la logique d’où on est rendu technologiquement parlant. Je prends par exemple les crédits d’impôt. Nous, contrairement aux productions cinéma, on n’a pas droit aux crédits d’impôt pour les tournages. Pourtant, on filme chez MELS avec les mêmes techniciens. Mais comme nos écrans sont des façades d’immeubles ou des arbres, on n’a pas droit aux crédits d’impôt. 

Mais en même temps, on n’est pas les enfants pauvres non plus. Il y a quand même beaucoup de programmes. 

Pour un projet comme Cité mémoire, le carré ne « fittait » pas dans un rond. Ce n’était pas comme: « OK, on vous donne 20 millions. » Ça a pris beaucoup d’intelligence administrative pour réunir le budget. 

Cité mémoire est un projet artistique, mais il s’appuie sur de la technologie. Comment travaillez-vous avec vos partenaires technologiques pour réaliser ces projets d’envergure ? 

Martin : On travaille depuis longtemps avec les mêmes fournisseurs. On est très fidèle. VYV fait notre interactivité. Altkey fait notre application. L’image de marque c’est Paprika. Elevation fait toute notre gestion technique. Autant l’installation que l’opération. Ces gens-là sont devenus des amis. Il faut dire aussi qu’ils y ont cru. Ça a été long de développer Cité mémoire

 
On vient de signer une entente avec Panasonic. Pour Barcelone, ils nous ont beaucoup aidés pour les équipements. Ils ont même fait venir des projecteurs de Belgique pour l’occasion.

Panasonic est un joueur important pour nous dans le développement de Cité mémoire. 
 

Martin Laviolette
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