En direct du métavers
Publié le 15 septembre 2022 access_time 5 minutesCompte rendu du panel « La création de contenus pour les métavers »
Par Philippe Bédard, chercheur et rédacteur, Xn Québec
Qu’est-ce que le(s) « métavers » ? Pourquoi les studios québécois devraient-ils s’y intéresser ? Comment peut-on commencer son incursion dans le métavers ? Ces questions étaient au cœur du panel « La création de contenus pour les métavers », activité d’ouverture du Salon des membres de l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision – section Québec. Animé par Catherine Mathys (La Société des demains), le panel mettait en conversation Coline Delbaere (Studio PHI), Sandra Rodriguez (Voulez-Vous, productrice et sociologue des nouvelles technologies médiatiques) et Alexandre Teodoresco (LAB7, Les 7 Doigts) autour du futur des industries créatives dans ce métavers en pleine construction. Retour sur ce panel — présenté en collaboration avec Xn Québec et la Banque Nationale — et sur les questions que les intervenant.e.s ont soulevées.
L’Académie
Il ne faut pas s’étonner que l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision s’intéresse aux innovations qui foisonnent dans le secteur des nouveaux médias, de la réalité étendue et des mondes virtuels. En effet, au printemps dernier, l’Académie avait fait appel à Xn Québec pour coprésenter la conférence « Réalité augmentée : de la niche vers le grand public », qui avait pour but d’informer le public quant aux possibilités offertes par l’emploi des technologies de production virtuelle dans le contexte de productions télévisuelles et de spectacles vivants.
Contrairement à ce que certains pourraient se dire, il n’est pas nécessaire d’attendre que ce nouveau secteur ait fait ses preuves avant de s’y intéresser ou d’y faire ses premiers pas. Comme l’indiquait Catherine Mathys dans son introduction, le métavers est peut-être un « train en pleine construction alors qu’il est déjà en marche », mais c’est justement là une opportunité de s’impliquer au début d’un projet afin d’en influencer le développement. Elle invitait donc le public à imaginer « de quelle manière nous pouvons apporter notre pierre à l’édifice » et « essayer de construire le futur que l’on voudrait voir ».
Qu’est-ce que le métavers ?
Partant du fait qu’il n’y a pas encore une seule définition acceptée de ce qu’est le métavers, mais aussi du constat que plusieurs grands joueurs internationaux (Meta, Epic, etc.) cherchent à créer leur propre version du métavers, les panélistes ont proposé plusieurs pistes d’entrée pour démystifier ce concept. Une chose est sûre, c’est la sensation de présence (soit l’impression d’être au sein d’un lieu virtuel en compagnie d’autres participant.e.s) qui est revenue à plusieurs reprises dans les exemples donnés par Coline Delbaere, Sandra Rodriguez et Alexandre Teodoresco. Il s’agit d’un facteur déterminant confirmant l’intérêt de ces nouvelles technologies pour l’industrie des écrans. Surtout, « c’est la nature du contact qui est particulièrement intéressante pour nous », résume Catherine Mathys.
Les premiers pas
Bien évidemment, il faut commencer quelque part. La première question posée aux panélistes portait sur la marche à suivre pour un.e créateur.rice qui souhaiterait s’impliquer dans la production d’expériences qui s’adressent au public du métavers. Les trois panélistes ont tour à tour souligné l’importance d’avoir une idée — élément crucial de tout processus de création — et le besoin de se faire « de nouveaux ami.e.s ». Alexandre Teodoresco mentionnait, par exemple, comment le LAB7 s’était associé à un laboratoire en Colombie-Britannique pour expérimenter la production d’un spectacle de cirque présenté à la fois devant un public et en ligne, autant sur le Web que dans un monde virtuel (en savoir plus sur LiViCi (Live Virtual Circus)). Pendant ce temps, Sandra Rodriguez racontait comment sa collaboration avec l’Office national du film du Canada (ONF) et le studio allemand Schnelle Bunte Bilder lui avait permis de créer un espace virtuel qui encourage la curiosité du public dans le cadre du projet CHOM5KY vs CHOMSKY. Finalement, Coline Delbaere a également fait part des partenariats nécessaires aux différents projets de PHI, dont le monumental L’INFINI (coproduit avec Felix & Paul Studios et TIME Studios), mais aussi l’éventuel projet PHI Contemporain. Ce dernier sera d’ailleurs accompagné d’un jumeau numérique — ce que Coline Delbaere appelait un metaspace — lors de son ouverture en 2026.
S’adressant aux membres du public, issus pour la plupart de l’industrie du cinéma et de la télévision, les panélistes ont mis l’accent sur l’opportunité que représente encore aujourd’hui le métavers et sur l’importance d’en explorer le potentiel créatif. Plus spécifiquement, les panélistes ont démontré par la variété de leurs parcours que le métavers n’avait pas lieu d’être limité à l’industrie du jeu vidéo. Les mondes du cinéma, de la télévision et des arts du spectacle peuvent encore s’y tailler une place de choix.
Le métavers est-il rentable ?
Le métavers a beau receler encore beaucoup de potentiel, encore faut-il qu’il trouve son public. La première question du public — et aussi la dernière, tant les réponses des panélistes étaient généreuses — se rapportait aux stratégies de distribution et aux possibilités de récupérer les investissements que nécessite le fait de pivoter vers de nouveaux modes de production et vers de nouvelles plateformes. Dans un premier temps, les panélistes ont répondu que dans plusieurs cas, les dépenses faites en début de parcours étaient nécessaires pour assurer un retour éventuel, tout en reconnaissant qu’il était encore difficile de savoir quand ce retour pourrait arriver. À cet effet, Sandra a mentionné l’un des constats de l’ enquête Façonner un marché pour la XR indépendante, à savoir que nous sommes encore aux balbutiements de la création d’un marché pour la réalité étendue et qu’il fallait savoir faire preuve de patience (en savoir plus sur cette ligne du temps en mouvement). D’un autre côté, nous avons aussi remarqué que le public répond à l’appel; les 45 millions de personnes qui ont assisté au concert de Travis Scott dans Fortnite sont un exemple probant.
La place du Québec
L’une des conclusions que nous pouvons retenir de ce panel est la récente apparition dans les discussions du métavers, qui est encore en pleine construction. L’une des questions qui est revenue à plusieurs reprises tout au long du panel était de savoir si le métavers constituait une tendance de fond ou une simple mode passagère. Cela amène beaucoup d’incertitudes, mais aussi beaucoup d’opportunités. Le fait est aussi que le Québec dispose déjà d’une expertise de renommée internationale en matière de création numérique. L’industrie des écrans a donc tout avantage à se familiariser avec l’industrie de la création numérique, que ce soit pour s’ouvrir sur le métavers ou sur de nouvelles manières de penser la production de contenus, ici comme à l’international.