Comment l’industrie de l’audiovisuel peut-elle s’adapter à l’évolution des outils IA?


Comment l’industrie de l’audiovisuel peut-elle s’adapter à l’évolution des outils IA?

Publié le 3 mars 2023    access_time 5 minutes

Retour sur la conférence L’intelligence artificielle dans la production audiovisuelle

Un texte de Philippe Bédard, chercheur et rédacteur, Xn Québec.

Le 21 février dernier, Xn Québec et l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision se sont donné comme projet d’offrir des pistes de réflexion à cette question lors de la conférence L’intelligence artificielle dans la production audiovisuelle. Tout au long de l’après-midi dans la salle Alanis-Obomsawin de l’Office national du film du Canada, le public a eu droit à des études de cas et une table ronde qui ont su éclaircir certaines des questions les plus épineuses que soulèvent ces nouveaux outils.

Si vous n’avez pas pu être des nôtres lors de l’événement, laissez-nous vous résumer certains des constats les plus importants de cette journée.

© Merryl B. Lavoie

Pourquoi l’IA?

Pourquoi voudrait-on utiliser une IA dans le contexte d’une production audiovisuelle? En plus de proposer quelques réponses à cette question, plusieurs des panélistes ont souligné l’importance de s’interroger sur ce choix en amont. Par exemple, que voulez-vous accomplir avec l’IA? Avant de se lancer dans l’utilisation des outils basés sur l’IA, il est primordial d’effectuer ses recherches afin de comprendre les besoins, les limitations et les capacités de ces technologies.

Comme l’a résumé Andréa Leydet-De-Mendonsa (Gradiant AI) : « Pourquoi bâtir une fusée quand on peut y aller en vélo ». Ravy Por (KPMG) rappelait d’ailleurs qu’il fallait en moyenne 20 ans pour faire pivoter une culture d’entreprise, et ce malgré l’adoption fulgurante d’outils comme ChatGPT ces derniers mois. Des changements majeurs demandent des efforts aussi considérables, ou encore des facteurs d’accélération exceptionnels comme l’a été la pandémie.

© Merryl B. Lavoie

Or, avant d’en arriver à transformer ses modèles de production pour adopter ces outils, pourquoi ne pas en explorer les capacités? À quelques reprises, les intervenant.e.s ont évoqué l’utilité d’outils tels Midjourney, ChatGPT, ou encore Soundraw dans un processus d’idéation et de prototypage rapide.

Eddy Georges (Unstandard Studio) a raconté comment son studio s’est servi de ChatGPT pour générer des commandes (prompts) qui ont ensuite été soumises à Midjourney afin de générer des maquettes pour la conception d’un personnage (c’est la démarche que nous avons également suivi pour la création de l’image en tête de cet article). Différents membres de l’équipe ont ainsi pu participer à la phase de prototypage, avant qu’un.e artiste 3D prenne le relais. Autrement dit, si ces outils ont pu faciliter une phase d’exploration initiale, ce n’est que le début d’un processus au cœur duquel des artistes d’expérience restent essentiels.

© Merryl B. Lavoie

Quel impact sur les emplois créatifs?

En général, les études de cas semblent concluantes : l’humain reste central dans le processus créatif. Ou encore, comme l’a exprimé Olivier Barbès-Morin (RODEO FX): “Sans l’input humain, l’IA ne peut rien faire.” Autrement dit, ce n’est pas demain qu’une intelligence artificielle remplacera les artistes qui œuvrent dans notre secteur.

D’une part, l’intervention humaine est nécessaire pour lancer le processus. Il faut de bonnes commandes pour obtenir de bons résultats. En expliquant le processus de création d’une publicité basée sur les médias synthétiques (deepfakes), Érik Gagnon et Olivier Barbès-Morin (RODEO FX) révèlent avoir dû trier les données générées lors de la capture afin d’en simplifier le traitement : il fallait passer de 135 000 images à 1000, et ce, pour chaque visage. Les experts rappelaient d’ailleurs l’importance de penser l’utilisation de ces outils dès le début d’un projet, plutôt qu’en fin de parcours : « La destination c’est la fin, mais ça devrait aussi être le point de départ » (Olivier Barbès-Morin, RODEO FX).

© Merryl B. Lavoie

D’autre part, l’ensemble des panélistes a accentué l’importance du travail d’artistes dans toutes les étapes de la création. Si l’IA peut offrir un bon point de départ, ce sont les artistes seuls qui ont l’expertise et l’ingéniosité nécessaires pour arriver à un produit final de qualité. Pour reprendre l’une des conclusions du rapport sur l’IA du BCTQ: “Les technologies de l’IA ne doivent cependant pas être perçues comme des algorithmes omnipotents pouvant offrir des solutions généralistes, mais plutôt comme une intelligence augmentée, permettant d’étendre les capacités des artistes, d’accélérer des processus précis et d’augmenter la productivité.”

Bien sûr, l’évolution rapide de ces technologies implique aussi que les lois n’ont pas le temps de suivre le pas. Plusieurs enjeux légaux, éthiques, mais aussi environnementaux ont été soulevés lors de la conférence. Bien qu’il n’existe pas encore de réponses à ces problèmes, de nouvelles règles devront éventuellement être mises en place pour assurer une utilisation éthique de ces outils, notamment au niveau du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle.

© Merryl B. Lavoie

Plus qu’un outil?

Outre certaines mises en garde pertinentes, la table ronde Les opportunités et enjeux liés à l’emploi de l’IA dans la production médiatique, animée par Catalina Briceño (La Société des demains), a clos la journée sur une note plus encourageante. Les trois intervenantes — Sandra Rodriguez (créatrice et sociologue des nouveaux médias), Chloé Sondervorst (Radio-Canada) et
Ravy Por (KPMG et fondatrice de Héros de chez nous) — ont non seulement soulevé des questions pointues, mais aussi des perspectives inspirantes sur ces développements parfois inquiétants.

Les discussions se sont poursuivies tout au long de la soirée — un bon signe que les présentations ont suscité la réflexion du public. Ainsi, c’est sur une note positive que s’est conclue l’activité. Pour emprunter la formulation de Sandra Rodriguez: “et si l’on se laissait inspirer, voire émerveiller, par ce que l’intelligence artificielle peut nous offrir?

La conférence L’intelligence artificielle dans la création audiovisuelle était présentée en partenariat avec la Caisse Desjardins de la Culture et grâce au soutien financier du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et de la Ville de Montréal.

© Merryl B. Lavoie
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