Innovation, créativité et principes ESG au programme de la 2e édition du Sommet influence


Innovation, créativité et principes ESG au programme de la 2e édition du Sommet influence

Publié le 14 mai 2024    access_time 5 minutes

L’Atrium Zú de la Maison Alcan était bondé d’entrepreneur.euse.s et d’investisseur.euse.s venu.e.s assister à la deuxième édition du Sommet influence: technologie et créativité responsables, le 6 mai dernier à Montréal.

Signe d’une formule gagnante, Catherine Mathys de La Société des demains était de retour à l’animation et les quatre panels de la journée reprenaient les mêmes thèmes que l’année précédente, soit: «finance et investissement durables», «les enjeux éthiques des nouvelles technologies», «l’impact environnemental du numérique» et «les industries créatives à l’ère des facteurs ESG».

Principes ESG

Les principes ESG signifient principes environnementaux, sociaux et de gouvernance. En d’autres termes comment une entreprise prend soin de la planète, comment elle traite les gens et comment elle est dirigée

Dimitri Gourdin, directeur général de Zú

Mot de bienvenue de Dimitri Gourdin

Dimitri Gourdin, directeur général de Zú, a profité de son mot de bienvenue pour exprimer une profonde préoccupation: «depuis 40 ans, le niveau de vie du Canada s’est effondré». Chiffres à l’appui, il dresse un parallèle entre cette chute et l’écart qui se creuse au niveau des investissements en recherche et développement entre le Canada et les autres pays de l’OCDE. «Nos entreprises n’investissent pas assez», s’inquiète-t-il. Il ajoute que les jeunes pousses et les incubateurs comme Zú ont un rôle à jouer pour remédier à cette situation.

On ne peut plus créer comme avant, sans se soucier des principes ESG
– Dimitri Gourdin

Plus tard, lorsqu’il est remonté sur scène pour souhaiter la bienvenue au ministre Mathieu Lacombe, Dimitri Gourdin a aussi souligné que les industries créatives représentent une grande force de l’économie et de l’identité culturelle québécoise. Il a enchaîné en évoquant un projet de zone d’innovation rassemblant une multitude de partenaires provenant des expériences numériques interactives et immersives. «Montréal est déjà, sans le savoir, une zone d’innovation, affirme-t-il. Il suffit maintenant de faire savoir qu’on est une zone d’innovation».

Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications

Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications

Prise de parole de Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications

Le ministre Mathieu Lacombe a ensuite pris la parole pour réitérer son soutien à l’écosystème dont plusieurs représentant.e.s étaient réuni.e.s dans l’Atrium. «La créativité numérique, c’est l’avenir», a-t-il déclaré.

On doit vous faire connaître encore plus
– Mathieu Lacombe

Il a tenu aussi à rappeler qu’il en a fait une priorité pour son ministère et qu’il allait continuer d’agir pour améliorer l’offre, la demande et la concertation pour ce milieu en pleine effervescence. À cet effet, il a mentionné que son cabinet travaillait à l’intégration à part entière de la créativité numérique dans la loi de la SODEC. Se faisant, les studios œuvrant dans ce domaine pourront bénéficier des programmes qui leur sont destinés, mais aussi du soutien de la banque d’affaires de la SODEC.

Christine Beaubien, Geneviève Morin, Sophie Forest, Catherine Bérubé et Florian Roulle

Christine Beaubien, Geneviève Morin, Sophie Forest, Catherine Bérubé et Florian Roulle

Finance et investissement durables

«Le système actuel ne fonctionne pas. Un changement radical est à venir». C’est par cette affirmation choc que Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction, a donné le ton du panel «finance et investissement durables».

Pour le modérateur du panel Florian Roulle, vice-président finance durable chez Finance Montréal, le changement majeur qui se pointe à l’horizon prendra la forme de normes encadrant la divulgation des bilans carbone. Qui plus est, au même titre que les normes IFRS, il sera bientôt nécessaire de s’y conformer. En somme, «il faut s’y préparer», souligne-t-il. 

Derrière les principes ESG, il y a 50 nuances de vert
– Florian Roulle

Un sentiment partagé par Sophie Forest, associée directrice chez Brightspark, qui observe que le marché évolue et que ses investisseur.euse.s aussi ont des préoccupations concernant l’environnement et les enjeux sociétaux. Elle offre aux entrepreneur.euse.s réuni.e.s dans la salle ce conseil pratique: inclure une diapo sur les actions en lien avec les principes ESG dans leur présentation d’entreprise.

Catherine Bérubé, associée chez Cycle Capital, recherche justement des entreprises qui développent des technologies ayant un impact positif sur l’environnement. Or, elle indique que le potentiel d’impact nécessite une rentabilité. Une réflexion qui fait écho à ce que Geneviève Morin exprimait plus tôt dans la langue de Shakespeare: «Cute is not scalable». 

Christine Beaubien, cofondatrice et associée directrice d’Accelia Capital, rappelle que lorsqu’on parle de principes ESG, il ne faut pas négliger le S et le G. Il faut y accorder de l’importance parce que c’est ce qui valorise le travail qu’on fait. «Diversité, rendement, impact» sont les trois mots qui guident ses décisions. À ses yeux, la diversité favorise le rendement. Et le rendement permet d’avoir un impact positif.

Anne Nguyen, Éric Salobir, Christiane Féral-Schuhl et Yves Jacquier

Anne Nguyen, Éric Salobir, Christiane Féral-Schuhl et Yves Jacquier

Les enjeux éthiques des nouvelles technologies

L’incontournable sujet de l’intelligence artificielle générative a pris une place importante pendant le panel dédié aux «enjeux éthiques des nouvelles technologies».

D’emblée, Éric Salobir, président du comité exécutif de Human Technology Foundation, exprime des réserves quant à la rapidité de l’adoption de l’I.A. au cours des derniers mois. Il rappelle qu’on ne connaît pas les aspects négatifs liés à cette nouvelle technologie. «C’est comme courir dans un champ de mines», illustre-t-il.

Être attentif à l’éthique peut être un boost pour le business
– Éric Salobir

L’avocate en droit du numérique, Christiane Féral-Schuhl, abonde dans le même sens. Elle pose une question terrifiante: « Est-ce que chacun d’entre vous aimerait dépendre de l’I.A.?». 

Yves Jacquier, directeur exécutif, Ubisoft – La Forge, se méfie de «l’effet démo» lorsqu’on parle d’I.A. Pour lui, il ne faut pas que ça devienne une solution qui se cherche des problèmes à régler. «L’.I.A. n’existe pas, avance-t-il. Il faut penser données, fonctionnalités, usages, problèmes à résoudre. Mettre la responsabilité sur l’I.A., c’est se déresponsabiliser.».

Christiane Féral-Schuhl est même allée plus loin. «Il faut arrêter de dire que l’I.A. va permettre de ne pas embaucher». Une affirmation qui a été saluée par les applaudissements de la foule.

Jean-François Codère, Dre Sasha Luccioni, Frédérick Marchand et Mathieu Bouchard

Jean-François Codère, Dre Sasha Luccioni, Frédérick Marchand et Mathieu Bouchard

L’impact environnemental du numérique

On abordait déjà le sujet dans les différents panels, mais le voilà placé à l’avant-plan: l’impact environnemental du numérique.

Sasha Luccioni, chercheuse en intelligence artificielle et responsable en matière de climat chez Hugging Face, a expliqué d’entrée de jeu que le numérique a bel et bien une empreinte physique. Elle cite en guise d’exemple les immenses centres de données qui consomment à la fois de l’eau et de l’énergie.

Pour donner un ordre de grandeur, Mathieu Bouchard, directeur exécutif et leader stratégie d’impact en innovation industrielle et commerciale chez KPMG, explique qu’un grand centre de données comme on les construit aujourd’hui nécessite l’équivalent de l’énergie fournie par un parc de 40 à 50 éoliennes.

Il faudra peut-être réussir à faire plus, avec moins
– Mathieu Bouchard

Et si, comme l’indique Frédérick Marchand, président de Digital4better, l’empreinte carbone du numérique est déjà plus importante que celle de l’aviation civile, il faut s’attendre à ce qu’elle prenne encore plus d’ampleur lorsqu’on considère les calculs supplémentaires dont est responsable l’intelligence artificielle. De plus, il faut aussi tenir compte des ordinateurs et téléphones portables des utilisateur.rice.s dont la création est synonyme de pollution et d’exploitation souvent irresponsable des ressources naturelles. «La fabrication de smartphones est une catastrophe environnementale», soutient Frédérick Marchand.

Mathieu Bouchard ne voit pas vraiment comment il sera possible de diminuer l’empreinte écologique du numérique de façon significative en réduisant les activités en ligne. La solution passe plutôt par l’optimisation de l’énergie utilisée, par exemple grâce à des centres de données qui récupèrent la chaleur émise par les serveurs pour chauffer des serres ou des maisons.

Dans le même ordre d’idées, Sasha Luccioni encourage à réfléchir aux usages qu’on fait de la technologie. «Il ne faut pas utiliser l’I.A. pour tout et pour rien», note-t-elle. En guise d’exemple de gaspillage énergétique, elle cite l’exemple d’une personne qui emploie ChatGPT comme calculatrice. Or, une calculette portable qui fonctionne à l’énergie solaire fait un meilleur travail et demande moins de ressources. Elle remarque aussi que les différents services en ligne devraient faire preuve de davantage de transparence, pour que les utilisateur.rice.s puissent connaître l’impact de leurs choix.

Un avis partagé par Frédérick Marchand qui souligne l’importance de mesurer régulièrement ses dépenses énergétiques. On le sait, on ne peut améliorer ce qu’on ne peut mesurer. De plus, un impact positif est le fruit d’une amélioration continue.

Catherine Mathys, Eric Brouillet, Martin Carrier et Suzanne Guèvremont

Catherine Mathys, Eric Brouillet, Martin Carrier et Suzanne Guèvremont

Les industries créatives québécoises à l’ère des facteurs ESG

Chez Solotech, on s’appuie sur l’optimisation et l’innovation pour améliorer les choses. Pointant vers la grille d’éclairage de la Maison Alcan, Martin Carrier, président, solutions événementielles Canada, observe que les lumières qui s’y trouvent sont beaucoup moins énergivores que celles qu’on installait dans les salles de spectacle il y a vingt ans. Il mentionne aussi que son équipe travaille d’avance avec les partenaires afin de limiter au minimum les transports. Ce faisant, on marie une réduction des émissions de gaz carbone et une baisse des coûts.

«Comme citoyen corporatif, il faut contribuer à la société», affirme Eric Brouillet, président et chef de la création chez VIBRANT. Il précise que les valeurs qui seront défendues par son entreprise doivent être véhiculées par ses employé.e.s. En effet, il a le sentiment que les mesures mises en place pour soutenir des pratiques ESG s’écouleraient si elles n’étaient pas partagées par ses client.e.s ou par les membres de son équipe. Bref, l’authenticité est de mise.

La situation est différente au sein de l’Office national du film du Canada. Comme l’explique sa présidente, Suzanne Guèvremont, les principes ESG font partie de la mission de l’organisme. «Nous racontons des histoires canadiennes, pour nous et pour des spectateur.rice.s de partout dans le monde. Il faut représenter notre population dans toute sa diversité, devant et derrière les caméras». Pour y arriver, elle fait état d’une «matrice d’engagement» qui encadre les programmes de l’ONF et vise à s’assurer que tous les pans de la population soient inclus. Bien qu’elle mentionne qu’aucune mesure n’est facile à implanter de prime abord, elle ajoute qu’au fil du temps, «ça devient de plus en plus facile».

Si on n’a pas de diversité au niveau des décisions d’affaires, la réflexion est moins riche
– Martin Carrier

La modératrice Catherine Mathys a demandé aux panélistes: «qu’est-ce qui pourrait vous aider dans votre adoption des principes ESG?» Suzanne Guèvremont suggère que l’acceptation d’une norme commune de calcul de bilan carbone pourrait assurément simplifier les choses. De son côté, Éric Brouillet imagine un hub, qui permettrait de partager les bonnes pratiques dans le domaine. Martin Carrier, sourire en coin, propose une zone d’innovation…

Guy Laliberté, Vicky Boudreau, James Leung Dere et Dimitri Gourdin

Remise des bourses de la Fondation Guy Laliberté

Clou de la journée, le Sommet influence: technologie et créativité responsables a donné lieu à la remise des bourses de la fondation Guy Laliberté.

En présence du fondateur du Cirque du Soleil, Dimitri Gourdin a tenu à remercier le mécène d’avoir offert la Maison Alcan aux jeunes entrepreneur.euse.s des technologies créatives. «Merci Guy de nous avoir donné cet écrin, confie le directeur général de Zú. C’est la cathédrale de l’innovation».

Avant d’annoncer les récipiendaires des deux bourses à l’enjeu, Guy Laliberté a réitéré que «la créativité est une des ressources naturelles du Québec». Il a aussi tenu à rappeler qu’il faut «prendre action et donner à la prochaine génération les moyens de faire les changements».

Il faut traiter [les principes ESG] comme si c’était notre ADN
– Guy Laliberté

La bourse «Impact» a été remise à James Leung Dere, président et fondateur de Giglinked, une application qui permet de connecter des musicien.ne.s avec des clients payants. Enfin, la bourse «Entrepreneuriat au féminin» a été accordée à Vicky Boudreau, présidente et fondatrice de Heylist, une plateforme qui met en relation des micro-influenceur.euse.s avec des marques.

Crédit photos: Jimmy Hamelin

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