Développement durable numérique: comment faire les premiers pas?
Publié le 8 avril 2024 access_time 5 minutesDevant l’ampleur de la crise climatique, l’écoanxiété nous guette tou.te.s. Or, le meilleur remède à ce mal moderne se trouve dans la discussion et l’action.
C’est pourquoi les productrices Mouna Andraos (Daily tous les jours) et Sarah Châtelain (Écho Média) ainsi que les expert.e.s en développement durable François Burra (consultant) et Sophie Théberge (Addendum) étaient réuni.e.s pour participer à un panel de discussion dans le cadre du Rendez-vous On tourne vert, le 26 mars dernier à la Cinémathèque québécoise.
Animés par Catalina Briceño (La Société des demains), les échanges ont mis en lumière des pistes de solution pour une approche positive, pragmatique et accessible de l’écoresponsabilité.
Retour sur un panel de discussion captivant organisé par Xn Québec et l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision, avec la contribution de la Caisse Desjardins de la culture.
Le développement durable dans les médias numériques
On entend souvent dire que le développement durable, c’est plus facile à dire qu’à faire… En levée de rideau, l’animatrice du panel, Catalina Briceño, avance des chiffres issus d’un récent sondage mené par Téléfilm Canada qui illustre bien ce propos: 94% des répondant.e.s souhaitent avoir une pratique durable, mais seulement 30% ont utilisé une calculatrice de bilan carbone cette année…
Sarah Châtelain fait partie de ces producteur.rice.s sensibilisé.e.s à ces enjeux. Déjà, elle met en pratique les recommandations du programme On tourne vert dans ses tournages. Elle inclut aussi des thèmes environnementaux dans les contenus qu’elle porte à l’écran. De surcroît, elle affirme vouloir intégrer une gestion plus efficiente de ses données sauvegardées en ligne.
Un effort loué par François Burra, expert en numérique durable. Aux statistiques avancées par Catalina Briceño, il ajoute un autre chiffre à considérer: 4% des émissions globales de gaz à effet de serre proviennent de l’industrie du numérique. Ceci correspond au double de l’industrie de l’aviation. Si, pour plusieurs, le numérique peut sembler dématérialisé, François Burra rappelle que cette industrie repose sur des outils bien réels: ordinateurs, téléphones, écrans, etc. «Le numérique, c’est physique», souligne-t-il.
Les défis d’une transition vers le numérique durable
Mouna Andraos, co-fondatrice du studio d’art et de design montréalais Daily tous les jours, a quant à elle évoqué une certaine frustration concernant l’inertie politique et sociale au regard de la problématique. «Il y a des matins où on se dit qu’il faut tout arrêter», évoque-t-elle. Parmi les défis à surmonter, elle cite par exemple les difficultés éprouvées pour évaluer les impacts environnementaux de ses choix de matériaux, expliquant qu’il est étonnamment complexe d’établir où ils ont été fabriqués et comment ils ont été acheminés jusqu’ici.
Sophie Théberge abonde dans le même sens lorsqu’elle mentionne: «en ce moment, il n’y a pas de normes; c’est le Far West.». Elle aperçoit toutefois un changement de paradigme à l’horizon et affirme que le développement durable pourrait bientôt être scruté d’aussi près que les finances des entreprises. «Quand on regarde les états financiers, c’est normé», note-t-elle. Or, d’ici 2027, les sociétés cotées en bourse devront produire des bilans carbone qui respectent le même type de normes internationales.
François Burra remarque qu’une loi similaire existe déjà en France. Il rappelle aussi que le Québec est légèrement en retard sur l’Europe en ce qui concerne les questions environnementales. En somme, «il faut commencer à mesurer», insiste-t-il.
Sarah Châtelain l’avoue candidement, lorsqu’il est question de l’adoption de pratiques écoresponsables, elle sent que son industrie s’approche d’une série de règlements contraignants. Elle souligne tout de même que ses premiers pas vers le numérique durable ne se sont pas faits à cause de la crainte d’un éventuel risque, mais bien en raison d’une véritable volonté de faire mieux.
Des discussions sur l’environnement pour faire avancer les choses
Il n’y a pas qu’en changeant leurs modes de production que les artistes peuvent avoir un impact bénéfique sur l’environnement. Ils peuvent aussi influencer les mentalités par le contenu de leurs œuvres. À cet égard, Mouna Andraos souligne qu’à travers ses installations en espaces publics, Daily tous les jours «travaille beaucoup sur la résilience communautaire». Elle ajoute: «on essaie d’amener les gens à se parler et à se comprendre».
Sarah Châtelain abonde dans le même sens. Elle souhaite que ses créations servent d’inspiration, qu’elles montrent ce qui se fait de positif et qu’elles permettent d’informer et d’outiller le grand public.
Face à l’urgence climatique, François Burra dit être passé par plusieurs phases: «colère, déni et acceptation». Comme il le mentionne lui-même, «pour ne pas être victime, il faut passer à l’action». C’est pourquoi il a co-rédigé le Climate Product Management Playbook et encourage les expert.e.s du numérique à rejoindre le collectif sur le Numérique Responsable à l’échelle du Québec.
Mouna Andraos se réjouit d’être témoin de conversations similaires dans plusieurs secteurs: «ça donne l’espoir que la somme de nos efforts soit positive».
Comment passer au vert, sans que son entreprise sombre dans le rouge?
La séance de discussion s’est conclue sur des interventions provenant de l’audience. Rapidement, la question de l’impact économique d’une réglementation concernant la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans un milieu précaire comme celui du numérique, a été adressée au panel.
Prenant la balle au bond, Sophie Théberge a noté qu’il est possible d’identifier «des leviers qui peuvent transformer un risque en opportunité». Elle précise qu’une entreprise qui gagne en efficience sauve à la fois de l’énergie, mais aussi de l’argent.
Un premier Rendez-vous On tourne vert réussi
Cette séance de discussion s’inscrivait au programme de la première édition du Rendez-vous On tourne vert, initié par le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec. Parmi les autres faits saillants de la journée, notons la signature par tous les grands diffuseurs québécois d’une charte sur le développement durable, le dévoilement d’une série de fiches de bonnes pratiques dédiés aux studios de VFX ainsi qu’un panel de discussion sur la place des concepts d’éco-responsabilité dans les programmes de formations en audiovisuel. «Le virage vert se doit d’être une priorité pour notre écosystème», déclarait Christine Maestracci, présidente-directrice générale du BCTQ, lors de l’annonce de l’événement. Affichant complet, le succès de cet événement porte à croire que l’appel a bien été entendu.
En savoir plus
🔵 Découvrez Des outils pour évaluer l’impact sur l’environnement des œuvres immersives
🔵 Lisez l’article sur Masse Critique, un organisme qui se penche sur l’impact environnemental des campagnes publicitaires
🔵 Suivez la formation du Conseil des Industries durables qui permet de bien se familiariser avec la question de la transition carbone
🔵 Découvrez le programme On tourne vert du Bureau du cinéma et de la télévision du Québec et du Conseil québécois des événements écoresponsables
🔵 Consultez la Stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028.