IA générative, interactivité et nouvelles plateformes


IA générative, interactivité et nouvelles plateformes

Publié le 26 mars 2025    access_time 5 minutes

La question de l’emploi de l’intelligence artificielle dans la production audiovisuelle soulève les passions.

D’un côté, certain.e.s utilisateur·rices en chantent les louanges, expliquant comment de nouveaux services comme ChatGPT, Midjourney et Runway permettent de réaliser des contenus qui n’auraient pas été possibles dans le passé. De l’autre, les critiques soulèvent les enjeux économiques, éthiques et écologiques associés à l’emploi de ces nouvelles technologies.

Pour approfondir le sujet, Xn Québec et l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision ont préparé un événement rassembleur intitulé L’audiovisuel réinventé : IA générative, interactivité et nouvelles plateformes.

Opportunités et enjeux liés à l’emploi de l’IA dans la production médiatique

Animé par Sarah Mackenzie, l’événement a donné lieu à un panel de discussion réunissant sur scène l’artiste Sandra Rodriguez, la journaliste Chloé Sondervorst et l’entrepreneur Harold Dumur.

À sa première prise de parole, Sandra Rodriguez a noté que les droits d’auteur ne sont pas toujours bien respectés par les fournisseurs de services d’IA générative. En guise d’exemple, la créatrice de CHOM5KY vs CHOMSKY note le mode « Pixar » qu’on retrouve sur différentes plateformes. Il va sans dire que Disney n’a pas donné son approbation pour qu’on copie le style propre à sa filière d’animation 3D. Or, si c’est possible de reproduire aussi bien cette esthétique, c’est que l’IA générative a fort probablement été entraînée sur du contenu piraté.

Elle mentionne aussi que l’IA est utilisée par certaines entreprises pour réduire les salaires de leurs employé.e.s. Elle évoque une compagnie qui met à la porte des rédacteur.rice.s, les remplace par une IA générative, puis engage de nouvelles personnes à moindre coût pour réviser les épreuves produites par l’IA.En réponse à Jean-François Larouche, directeur du département Interactif de Moment Factory, qui disait plus tôt dans la journée qu’il ne fallait pas jouer à l’autruche quant à l’existence de l’IA générative, Chloé Sondervorst a partagé cette image générée via la plateforme canadienne ideogram.ia :

Les autruches ont des qualités aussi, illustration d'une autruche généré par IA.

Elle a accompagné cette illustration d’une énumération d’attributs distinctifs des autruches, tels que recensés par ChatGPT :

  • vitesse impressionnante ;
  • grande endurance ;
  • force redoutable ;
  • intelligence sociale ;
  • adaptation écologique remarquable.

Par cet exercice, la journaliste et réalisatrice de Radio-Canada tenait à exprimer qu’il y avait aussi des avantages à faire preuve de jugement critique quant à l’emploi de l’IA générative.

Un sentiment partagé par Sandra Rodriguez, qui a pris le soin d’encourager les créateur.rice.s réuni.e.s dans la salle à s’assurer que leur travail soit à l’épreuve du temps. Les lois et les solutions logicielles en vigueur aujourd’hui seront peut-être appelées à changer demain. Il faut s’assurer de retenir la propriété intellectuelle sur ce qu’on développe, défend-elle.

De son côté, Harold Dumur considère qu’avec la prolifération des outils d’IA générative, nous sommes en voie de passer d’une « économie de créateur.rice.s à une économie de remixeur.euse.s ». Cette observation ne s’appuie pas seulement sur les fonctions de transfert de style offertes par plusieurs IA génératives. Le fondateur d’Ova, développeur de la plateforme sans code StellarX, remarque qu’en employant une IA générative, il est facile et rapide de produire plusieurs itérations d’un contenu. Il revient ensuite à l’utilisateur.rice de choisir la variante qui lui convient.

Laurent Dubois de la SARTEC et Sarah Mackenzie de MUTEK.

L’IA et le métier de scénariste

Le panel de discussion faisait suite à un entretien entre l’animatrice Sarah Mackenzie et le directeur général de la SARTEC, Laurent Dubois.

Face à la montée en popularité de l’IA générative, la directrice du MUTEK Forum se demande si on peut parler de révolution. « Je préférerais qu’on parle d’évolution », suggère-t-il. Pour lui, le terme « révolution » implique qu’on mette à terre les décennies de développement, de luttes syndicales, qui nous ont mené.e.s au point où se trouvent aujourd’hui les scénaristes.

Il refuse aussi le raccourci qui allie innovation et progrès. Citant Aristote, il souligne que l’innovation devient progrès seulement si la nouveauté bénéficie à tout le monde. Or, en raison notamment de ses barrières à l’entrée, l’IA générative peut creuser le fossé des inégalités.

Il s’inquiète aussi de la diversité des expressions culturelles. En raison des contenus qui nourrissent les bases de données des IA génératives les plus couramment utilisées, ainsi que de leur fonctionnement s’appuyant sur des moyennes statistiques, on peut s’attendre à une avalanche de contenus « formatés, attendus et prévisibles ».

Laurent Dubois note que la SARTEC partage avec les autres associations de scénaristes à travers le monde le même point de vue sur les grands principes qui devraient guider l’utilisation de cette nouvelle technologie. D’abord, il insiste sur la notion de transparence. Il note que l’emploi d’une IA dans la création d’un contenu devrait nécessairement être mentionné. Ensuite, il faut aussi que les artistes puissent refuser, voire interdire, l’utilisation de leurs créations pour entraîner une IA ou nourrir sa base de données. À l’inverse, si un.e artiste accepte que son travail soit employé par une IA générative, il ou elle devrait être rémunéré.e adéquatement.

Luc Leclerc présente son travail sur les visuels de Voivod.

IA générative, interactivité et nouvelles plateformes

Quatre études de cas démontrant des emplois d’intelligence artificielle et autres innovations technologiques ont aussi été présentées au cours de l’événement.

Pour commencer, Charles Stéphane Roy est venu expliquer son projet VFC, un film adaptatif dont la trame sonore est modifiée en fonction de l’activité cérébrale captée par un casque EEG. Il a détaillé les nombreux défis relevés pour mener à terme cette production avant-gardiste, notamment en ce qui concerne le financement, la recherche et le développement, ainsi que les aspects légaux.

Ensuite, Frédéric Vicaire de l’agence Art!equin est venu présenter les particularités d’une direction artistique assistée par intelligence artificielle. En montrant la chaîne des étapes qui séparent l’idée originale du produit fini, il a démontré comment l’emploi d’une IA générative ne se limitait pas à presser un bouton.

Luc Leclerc, du studio Above the Void, a pris le relais pour démontrer comment il avait adapté les visuels emblématiques de Voivod pour générer de nouvelles vidéos. Dans la salle se trouvait Michel « Away » Langevin, le batteur du groupe, qui signe aussi les illustrations ornant les pochettes des différents albums. Il a été accueilli par des applaudissements nourris.

Jean-François Larouche a ensuite pris la parole et expliqué comment l’IA générative était employée pour mener à terme différents projets chez Moment Factory, dont un « photobooth » qui ajoute des filtres IA aux photos, ainsi que les visuels pour les spectacles du groupe Phish à Sphere de Las Vegas. Le technophile a lancé un cri du cœur, invitant les gens dans la salle à embrasser l’IA générative. Il s’est dit inquiet que les studios d’ici se retrouvent à la traîne, à l’échelle internationale, si on ne sautait pas immédiatement dans le train en mouvement.

Luc Sirois et Véronique Paradis parlent d'innovation.

L’innovation ouverte à la SAT

La journée s’est terminée en beauté, alors que la SAT recevait Luc Sirois, innovateur en chef du Québec, pour annoncer la création d’un Laboratoire vivant en immersion.

Rendu possible grâce à la participation de la Ville de Montréal, du Ministère de la Culture et des Communications du Québec et de la Caisse de la Culture Desjardins, ce nouvel espace « offre un terrain d’expérimentation inédit où artistes, entrepreneur.e.s, chercheur.e.s, citoyen.ne.s et travailleur.e.s culturels peuvent cocréer et tester des expériences immersives novatrices qui répondent à des enjeux sociétaux ».

Pour en savoir plus, consultez l’éditorial de Véronique Paradis, directrice de l’innovation et de la formation à la SAT.

Photos: Jean-François Galipeau

Auteur.rice

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