
OASIS Immersion et la genèse d’un réseau international de lieux immersifs
Publié le 28 juillet 2025 access_time 5 minutesMontréal, 2021. Alors que les fermetures de complexes cinématographiques se multiplient dans la Métropole, Denys Lavigne prend le pari d’ouvrir un espace de projection nouveau genre : OASIS immersion, une destination culturelle offrant un parcours expérientiel avec notamment trois galeries immersives située au Palais des congrès de Montréal.
Avec des projections sur les quatre murs et au plancher, ces galeries transportent les spectateur.rice.s au centre des thèmes abordés, les plongeant dans un univers de lumière et de son ambiophonique. Grâce à ce nouveau canevas, les producteur.rice.s d’expériences numériques peuvent offrir des contenus novateurs, interactifs et immersifs.
Or, OASIS immersion n’est pas le seul lieu de la sorte dans le monde. Dans le cadre du NUMIX LAB 2024, l’Immersive Centers Alliance (ICA) a été formée afin de réunir autour d’une même table des lieux de diffusion partageant des enjeux similaires, à commencer par les trois membres fondateurs : OASIS Immersion (Québec), Remastered (Pays-Bas) et Kunstkraftwerk (Allemagne). Au fil du temps, de nouveaux joueurs de partout dans le monde rejoindront l’Alliance.
L’ICA était de passage à Montréal le printemps dernier dans le cadre de son premier sommet et ce rendez-vous a donné lieu à de riches échanges sur l’évolution de l’industrie immersive. Quelle belle occasion de discuter avec Denys Lavigne, président d’OASIS immersion.

Denys Lavigne, co-fondateur et président d’OASIS Immersion, double finaliste au Gala des PRIX NUMIX en 2025
Pouvez-vous nous rappeler la genèse d’OASIS immersion et ce qui a motivé sa création?
L’espace OASIS immersion a été inauguré en février 2021. À l’origine, l’objectif du projet était relativement simple : mettre à profit la puissance de l’immersion audio et visuelle pour faire du bien. Nous imaginions une forme de magazine immersif, offrant la liberté d’explorer une grande variété de sujets contemporains à travers le prisme de l’immersion, dans le but de susciter de nouvelles connexions intérieures chez les visiteurs. La création d’OASIS immersion s’inscrivait dans une certaine continuité après plusieurs années consacrées au développement d’expériences multimédias pour des marques, des institutions culturelles et des lieux publics. L’idée était de transposer ce savoir-faire dans un format entièrement dédié au grand public, où l’émotion, la curiosité et la réflexion pourraient coexister dans un environnement sensoriel stimulant et accessible.
Quelles sont les ambitions derrière la création de l’Immersive Centers Alliance (ICA), et pourquoi était-il important de créer un tel réseau?
Le secteur de l’immersion demeure un créneau émergent dans l’industrie du divertissement, un créneau où les meilleures pratiques restent encore à définir et où la collaboration entre les sites gagnerait à être mieux encadrée. En ce sens, on souhaite contribuer à la pérennité du secteur en favorisant les échanges entre les acteurs-clés. Il y a beaucoup d’effervescence et une évolution rapide de l’offre, dans ce contexte, il nous semble impératif que l’industrie se structure et mette en place des initiatives stratégiques telles que la formalisation d’un marché de contenu et de partage d’information.
Lors de l’atelier du 29 mai, la question de l’équilibre entre modèle économique et créativité artistique a été soulevée. Y a-t-il un risque que la technologie prenne trop de place au détriment du propos artistique? Comment trouver le bon équilibre?
De ma perspective ce n’est pas tant un enjeu de vision artistique versus la technologie, mais de choix d’expériences et de contenus judicieux pour maintenir la pertinence du médium auprès du public et générer l’achalandage requis pour le contexte d’affaires de ce type de projet. Et plus l’industrie se diversifie, plus les attentes du consommateur évoluent et plus cet équilibre entre le modèle économique et la vision artistique devient stratégique. On vit actuellement une phase de raffinement continu des expériences pour surprendre les visiteurs et une utilisation habile de PI ou de thèmes forts pour se démarquer et stimuler la demande. C’est une des voies porteuses à mon avis.
Pensez-vous que les studios créatifs doivent aujourd’hui penser systématiquement leurs projets comme modulables et exportables? Pourquoi?
Oui. Actuellement le marché de la créativité numérique est extrêmement effervescent et offre des occasions de collaboration et de diffusion comme jamais auparavant. Développer des projets qui sont modulables, exportables et multi plateformes offre les meilleures chances de succès et d’optimisation du retour sur investissement. La clé c’est de faire les bons choix en termes de sujet, de traitement et de cibles. Ce dernier point est crucial. Bien analyser les marchés et canaux de diffusion potentiels, comprendre les requis au niveau du potentiel d’achalandage et présenter les bons contenus aux bons partenaires restent des étapes déterminantes pour favoriser le succès à long terme d’une production.
Concrètement, comment l’ICA va-t-elle faciliter la co-production et le partage d’œuvres entre salles immersives à l’international? Peut-on imaginer une sorte de circuit international via l’ICA?
Absolument, et c’est un des buts premiers de l’organisation. Encore beaucoup de centres immersifs assument les frais de production de leurs contenus et c’est une charge significative pour un ou quelques sites. Il y a bien sûr des collaborations en licensing depuis un certain temps, mais la mise en place d’un marché plus formel, favorisant tant la co-production et les échanges de contenus, contribuera à générer de meilleures économies d’échelle pour l’industrie.
Quelles sont les prochaines étapes ou actions concrètes prévues par l’ICA pour renforcer les liens entre studios et lieux?
À court terme, notre priorité est de compléter le membership au sein des centres immersifs et de mettre en place une structure de gestion efficace pour l’organisation. En parallèle, nous poursuivrons les échanges avec les studios et les parties prenantes de l’industrie, notamment dans le cadre du deuxième sommet de l’ICA, qui se tiendra en octobre prochain chez Kunstkraftwerk à Leipzig, dans le cadre du Bright Festival. Comme à Montréal, des rencontres avec les acteurs de l’écosystème immersif feront partie intégrante de la programmation. Le maintien régulier de ces échanges, qu’ils soient individuels ou en groupe, demeure essentiel pour assurer une forme de synchronisation entre les objectifs créatifs et commerciaux des collaborations.
Si vous deviez rêver le futur des expériences immersives dans 10 ans, à quoi ressembleraient-elles?
Dix ans, c’est une éternité dans notre industrie. Le rythme de l’innovation, les avancées technologiques, les transformations culturelles et les enjeux sociétaux évoluent si rapidement qu’il est difficile de prédire avec précision ce que nous réserve l’avenir. Cela dit, je rêve d’un futur où l’expérience immersive aura atteint un haut degré de maturité narrative et sensorielle. Je vois un médium qui aura raffiné sa capacité à transporter les visiteurs dans des univers riches, puissants et profondément ancrés dans les réalités contemporaines. Un médium où le storytelling immersif ne sera plus un simple outil de mise en scène, mais un véritable langage émotionnel, capable de provoquer à la fois l’émerveillement, la réflexion, et la connexion humaine.
Entrer dans un univers immersif deviendra alors une expérience à la fois stimulante pour les sens, nourrissante pour l’esprit et apaisante pour l’âme. Une forme d’escapade consciente, presque thérapeutique, qui enrichira nos perspectives, éveillera notre empathie et contribuera à notre mieux-être collectif. Les lieux immersifs de demain seront sans doute plus personnalisés, interactifs et durables, intégrant une relation plus fluide entre le monde physique et numérique. Mais au-delà de la technologie, c’est la capacité du médium à raconter des histoires qui nous transforment, à petite ou grande échelle, qui en assurera la pérennité et la pertinence.