Exemples à suivre pour une meilleure représentation de la diversité capacitaire
Publié le 17 octobre 2025 access_time 5 minutesLa question de la représentativité au sein des productions médiatiques (artistiques, informatives, de divertissement ou autres) est aujourd’hui un enjeu majeur qui, et c’est heureux, préoccupe les créateur.rice.s. Si un long chemin est encore à faire pour que l’offre culturelle et médiatique reflète réellement les réalités diversifiées composant nos sociétés, la nécessité d’y être vigilant.e semble désormais ancrée (au moins pour la plupart des entités de production).
Pour en finir avec les stéréotypes
Dans l’offre culturelle et médiatique, certaines diversités semblent pourtant souffrir encore d’une large part d’invisibilisation ou encore de représentations erronées ou stigmatisantes. C’est notamment le cas pour les diversités capacitaires, expression désignant «la diversité des personnes sourdes, handicapées et neurodivergentes» (Chaire de recherche du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle, 2022). Ainsi, par exemple, selon le Centre canadien de littératie aux médias numériques, Habilo médias, les personnes handicapées sont non seulement peu représentées, mais même lorsqu’elles le sont, elles «continuent trop souvent de l’être de manière soit remarquable et héroïque ou encore posées en victimes». Selon différentes recherches citées dans l’excellente synthèse d’Habilo Médias, trois stéréotypes prédominent ainsi dans la représentation du handicap au sein de l’offre médiatique:
· La victime, «objet de commisération et d’apitoiement» ou «à des desseins comiques»;
· Le héros ou l’héroïne, stéréotype présentant «le handicap comme un défi que le personnage doit surmonter afin d’être “normal”» et permettant au public «d’être plus à l’aise avec la condition des personnes handicapées sans avoir à les aider, renforçant ainsi la notion selon laquelle les handicaps peuvent être surmontés à la condition que la personne le « veuille vraiment»;
· Le méchant, notamment dans le cas des troubles de santé mentale, fréquemment associés à des crimes violents.
Dans le domaine des arts médiatiques, il est difficile de dénicher des œuvres numériques qui offrent une représentation de la diversité capacitaire (stéréotypée ou non, d’ailleurs). Au-delà même de la question de la représentation, que l’on pourrait considérer comme allant vers la normalisation lorsqu’elle n’est plus le sujet de l’œuvre en soi, peu d’œuvres numériques québécoises traitent du handicap comme sujet. Deux œuvres récentes offrent cependant un autre regard sur la diversité capacitaire et méritent d’être soulignées.

Les pieds en haut: un docu-fiction en réalité virtuelle sur l’autisme
D’abord, notons la très belle expérience de réalité virtuelle Les pieds en haut, créée par Annick Daigneault et Martine Asselin, réalisatrices et mamans d’enfants autistes, qui ont été épaulées dans la création par les studios Unlimited VR et Dpt. L’œuvre permet de prendre place dans la tête du jeune Lou, 5 ans, puis de le retrouver à l’adolescence. À travers l’exploration, le.la spectateur.rice peut prendre la mesure de la surcharge sensorielle vécue au quotidien par les personnes autistes dans les situations de la vie courante. Prenant la forme d’un docu-fiction en réalité virtuelle, l’œuvre s’appuie sur de nombreuses rencontres effectuées par les réalisatrices avec des personnes autistes de différents âges et rencontrant des défis variés. La production a également impliqué des personnes sur le spectre de l’autisme. Une œuvre originale d’une grande richesse.
Voix rêvées: dans les songes des personnes aveugles ou malvoyantes
De son côté, le très beau Voix rêvées, une expérience immersive en ligne, s’interroge sur ce dont «sont faits les rêves des personnes aveugles ou malvoyantes». Ce projet, porté par les artistes Réjane Bougé et Chantal Dumas, s’est articulé en deux temps. La première phase de résidence de création (Centre Turbine) a permis de collecter, en audio, un rêve significatif auprès de huit personnes aveugles ou malvoyantes. Dans un second temps, ces récits ont été mis en valeur de façon immersive sur une plateforme web accessible. Un projet d’une grande poésie soutenu notamment par le Regroupement des aveugles et des amblyopes du Montréal métropolitain.
Pour une meilleure représentation de la diversité capacitaire
Avec le développement de nombreux outils à destination des producteur.rice.s et artistes (nous pensons notamment aux travaux de recherche de la Chaire du Canada sur la citoyenneté culturelle des personnes sourdes et les pratiques d’équité culturelle) et avec la sensibilisation grandissante des équipes aux questions de représentation, on peut espérer que les années à venir apporteront une meilleure représentation de la diversité capacitaire dans nos œuvres numériques!