Débat des candidats fédéraux sur la culture


Débat des candidats fédéraux sur la culture

Publié le 14 septembre 2021    access_time 5 minutes

À une semaine des élections canadiennes, Catherine Perrin animait un débat entre des représentants des cinq principaux partis politiques fédéraux sur le thème de la culture.

Tourné à l’Université de Montréal le 13 septembre 2021 et diffusé en direct sur cepac.ca, le débat réunissait les candidats suivants :

  • Steven Guilbeault du Parti libéral (Laurier Sainte-Marie)
  • Steve Shanahan du Parti conservateur (Ville-Marie, Le Sud-Ouest, Île des Soeurs)
  • Martin Champoux du Bloc Québécois (Drummond)
  • Alexandre Boulerice du NPD-Nouveau Parti démocratique (Rosemont-La-Petite-Patrie)
  • Mathieu Goyette du Parti vert (Montcalm)

Un secteur économique important


« La culture permet de passer à travers des crises ». C’est par cette phrase lourde de sens dans le contexte actuel que Catherine Perrin a mis en scène le débat organisé par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles et le Département de communication de l’Université de Montréal.

L’animatrice d’Ici Radio-Canada Première présenta ensuite des statistiques éloquentes illustrant l’importance capitale de ce secteur d’activités au sein de l’économie canadienne. En effet, la culture représente des revenus de plus de 57 milliards de dollars annuellement, ce qui correspond à 2,7% du PIB du Canada. Au total, le secteur emploie 655 000 personnes. C’est davantage que le milieu agricole ou même celui de l’extraction des ressources naturelles.

Lire l’étude Xn Québec : Portrait de l’industrie et retombées économiques des secteurs


La culture pendant la pandémie


Or, avec les revenus de billetterie qui se sont évaporés en raison des restrictions liées à la crise sanitaire, le secteur de la culture a été fragilisé.

Les cinq porte-parole présents s’entendent sur la nécessité d’investir pour protéger les emplois dans le secteur.

Steve Shanahan (Parti conservateur) proposa spécifiquement d’offrir des prêts et des subventions pour l’acquisition d’équipements permettant aux producteurs et diffuseurs de passer à travers la crise.

Quant à lui, Martin Champoux (Bloc Québécois) suggéra des incitatifs pour le retour à l’emploi et dit souhaiter la pérennisation des programmes mis en place au cours des 18 derniers mois.

Cette proposition semblait être de la musique pour les oreilles de Steven Guilbeault (Parti libéral), qui rappela que c’est son parti qui est responsables des programmes mentionnés et souligna que la plateforme électorale de l’équipe Trudeau comprend aussi des centaines de millions de dollars pour soutenir et relancer la culture au cours des prochaines années.

De son côté, Alexandre Boulerice (NPD) nota que si son parti était élu, il accorderait une importance accrue au soutien des artistes via des subventions salariales pour les pigistes et travailleurs autonomes ainsi que des subventions pour la location d’espaces commerciaux.


Le contenu canadien à l’ère du numérique


Le sujet chaud au cours du débat était certainement le projet de loi C-10 qui est mort au feuilleton lorsque les élections ont été déclenchées.

Rappelons que ce projet de loi proposé par les libéraux est destiné à modifier la loi sur la radiodiffusion pour qu’elle s’applique aux géants du web qui diffusent sur le territoire canadien. Comme elle l’est présentement, cette loi est « dépassée et archaïque » aux dires d’Alexandre Boulerice. Martin Champoux en a convenu et a souligné que sa modernisation est « en retard de 20 ans ». 

Tous s’entendaient pour rejeter la faute sur les conservateurs d’avoir bloqué pendant des mois l’avancement de ce projet de loi. Steven Guilbeault rappela la promesse de son chef Justin Trudeau à redéposer le projet de loi C-10 dans les 100 premiers jours d’un nouveau mandat libéral.

Steve Shanahan concéda que la législation proposée « faisait beaucoup de sens », mais déplora que des pouvoirs accrus soient conférés au CRTC. Son parti ne souhaite pas que le CRTC soit en mesure de réguler les algorithmes de recherche des entreprises privées comme Google. C’est une question de principe.

Ce à quoi Steven Guilbeault rappela que 75% des contenus consommés en ligne proviennent de recommandations émises par les plateformes elles-mêmes. Il dit viser à ce que ces recommandations privilégient le contenu canadien, tout comme les diffuseurs traditionnels doivent respecter des quotas de contenu local.

Cette notion a d’ailleurs été soutenue par Martin Champoux et Alexandre Boulerice. Tous deux ont aussi mentionné l’importance, au sein du contenu canadien promu, d’assurer une visibilité accrue aux œuvres autochtones. Dans la même lignée, Martin Champoux insista d’ailleurs pour que des postes aux tables de décision soient offerts à des artistes et diffuseurs provenant de communautés autochtones.

Au lieu de contraindre de façon légale les diffuseurs en ligne à promouvoir du contenu canadien, le Parti conservateur entend imposer une taxe de 3% sur leurs revenus. « Ça commence et ça finit par l’argent » expliqua Steve Shanahan. Les fonds récoltés via cette taxe seraient réinvestis dans des institutions canadiennes comme l’ONF ou Téléfilm Canada afin de produire et promouvoir des œuvres canadiennes. Le candidat dans la circonscription de Ville-Marie avança même que l’argent pourrait être investi en publicité sur ces mêmes plateformes afin de faire connaître des produits culturels d’ici.


Droits d’auteur et rémunération


Le troisième sujet à l’ordre du jour correspondait aux sommes dues aux artistes en échange de la diffusion de leurs œuvres.

Catherine Perrin cadra le sujet en rappelant qu’une chanson totalisant 1 million d’écoutes en ligne correspond approximativement à des revenus de 500$ dans les poches de l’artiste.

Pour Steven Guilbeault, la solution est simple. Contrairement à Netflix ou Amazon Prime, les plateformes de musique en ligne comme Spotify ne produisent pas de contenu. Ainsi, on ne peut pas les inciter à réinvestir une partie de leurs profits dans la production de musique canadienne. Il est toutefois envisageable de les « forcer (…) à mieux rémunérer les artistes ».

Steve Shanahan ne croit pas en cette approche. Selon lui, si les plateformes doivent payer plus cher pour diffuser des chansons canadiennes, elles diffuseront davantage de la musique d’ailleurs. Il privilégie plutôt une collaboration internationale sur cet enjeu.

Cette position dite de « laisser-aller » a été décrite comme du « capitalisme sauvage » par Alexandre Boulerice. 

Martin Champoux y voit un chantier important et suggéra de s’appuyer sur les recommandations du rapport Paradigmes changeants pour une éventuelle refonte de la loi sur le droit d’auteur. Il a aussi soutenu qu’il ne faut pas négliger la lutte au piratage pour aider les artistes.

Mathieu Goyette du Parti vert abonda dans le même sens et suggéra lui aussi d’adhérer aux recommandations du rapport Paradigmes changeants.


Soutien aux organismes (Office National du Film, Conseil des arts du Canada, Radio-Canada)


Catherine Perrin a demandé aux débatteurs de préciser leur position sur le financement et le rôle de trois organismes fédéraux importants : l’Office national du film, le Conseil des arts du Canada et Radio-Canada.

Alexandre Boulerice a avancé que, de ces trois institutions, l’Office National du Film devrait être priorisé puisqu’il n’a pas obtenu les mêmes augmentations de financement que les deux autres au cours des dernières années. Sur ce sujet, Steve Shanahan partageait le même point de vue.

Ce dernier suggéra de scinder les divisions francophones et anglophones du diffuseur public qu’est SRC/CBC. De cette façon, Radio-Canada aurait un conseil d’administration distinct de celui de la CBC et les deux organisations seraient totalement autonomes. Se faisant, CBC pourrait se concentrer sur ce qu’ils font de bien, c’est-à-dire les émissions d’informations et délaisser ce qu’ils font moins bien, c’est-à-dire, selon lui, les émissions de divertissement.

Steven Guilbeault y voit une tentative de réduire le rôle de la CBC au Canada. Une inquiétude que partage Alexandre Boulerice : « séparer SRC et CBC c’est pour sabrer dans CBC ». Steven Guilbeault rappela d’ailleurs que le chef du Parti conservateur, Erin O’Toole, a affirmé publiquement souhaiter abolir la CBC.


Le mot de la fin


Lorsqu’il a été invité par Catherine Perrin à expliquer pourquoi il fallait opter pour son parti plutôt qu’un autre, Martin Goyette a comparé le Parti vert à un Joker dans une partie de cartes.

De son côté, Steven Guilbeault a défendu son bilan en soulignant les investissements historiques qui ont eu lieu au cours des derniers mois dans les arts et en culture. Il souligna aussi que la plateforme électorale comprend un montant supplémentaire de 400 millions pour favoriser la relance des industries créatives.

Alexandre Boulerice s’est fait plus philosophe. À ses yeux, la culture n’est pas comme n’importe quel domaine économique. Il faut voter pour le NPD afin de protéger la culture canadienne contre l’impérialisme et préserver sa souveraineté.

Steve Shanahan rappela qu’il se présente dans la circonscription de Ville-Marie et qu’il n’y a pas de lieu plus important pour la culture au Canada que le centre-ville de Montréal.

Enfin, Martin Champoux a conclu en assurant qu’au cours des dernières années, le Bloc a multiplié les gains pour les Québécois, et ce principalement en culture.

À noter

Les élections auront lieu le 20 septembre 2021.
Pour visionner le débat dans son entièreté, suivez ce lien.
Employez ce mot-clic pour commenter le débat en ligne: #CultureElxn44.
Le passeport vaccinal ne sera pas requis pour voter.


Auteur.rice

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