Vive l’intelligence artificielle libre!


Vive l’intelligence artificielle libre!

Publié le 9 septembre 2024    access_time 5 minutes

Alors que les discussions sur l’intelligence artificielle se multiplient, un dénominateur commun semble émerger: l’importance d’user de prudence dans l’emploi de cette nouvelle technologie. Ce faisant, la plupart des solutions logicielles d’IA génératives offertes au grand public comprennent une panoplie de garde-fous limitant la création de contenus jugés indésirables.

Dans ce contexte, devrait-on aussi développer une I.A. libre de contraintes?

Telle est la question épineuse qu’osa soulever Beth Coleman, professeure associée de l’Université de Toronto, en guise d’introduction au panel L’IA indomptée: concevoir en rétrograde présenté dans le cadre du MUTEK Forum, le 21 août dernier à Montréal.

Pour débattre de ce sujet brûlant d’actualité, elle était accompagnée sur la scène de l’artiste Adam Basanta, de la professeure de l’Université Concordia Alice Jarry et de Matthieu Lorrain de Google DeepMind.

Midjourney, Dall-E et les autres… Variations sur un même thème

Cette question, Beth Coleman l’a déjà abordée de front dans un papier intitulé Technology of the Surround. En somme, elle note que les I.A. génératives ne produisent rien de nouveau. Elles ne font qu’offrir des variations sur des thèmes donnés.

Un sentiment partagé par l’artiste Adam Basanta. Il dit éviter l’emploi de générateur d’images ou de vidéos, car il n’arrive pas à obtenir des résultats qui sont véritablement différents de ce que font les autres.

Pour que l’I.A. soit véritablement en mesure de créer quelque chose de nouveau, Beth Coleman suggère qu’il faut faire fi de sa domestication. Elle en est consciente, cette position est à l’opposé de la notion d’I.A. «responsable».

Adam Basanta nuance ainsi la proposition de Beth Coleman: «est-ce qu’on souhaite une I.A. vraiment sauvage ou on recherche seulement des qualités qu’on associe avec la nature sauvage? Est-ce qu’on souhaite une I.A. débridée pour les arts, ou pour n’importe quel modèle?»

Beth Coleman et Adam Basanta. Crédit photo: MUTEK.

Contenu fluide

Matthieu Lorrain anticipe que dans un avenir pas très lointain, en s’appuyant sur les possibilités offertes par l’I.A. générative, les créateurs produiront des œuvres dynamiques qui s’adapteront au contexte de leur réception. Il définit ces œuvres comme étant du «contenu fluide» (fluid content).

Ainsi, le spectateur sera libre d’explorer les histoires qui lui sont racontées de la façon qu’il le désire. Il cite en exemple un film comme Rapide et dangereux. Si le spectateur le souhaite, il pourrait, virtuellement, sauter derrière le volant et transformer une scène de poursuite en voiture en séquence de jeu vidéo.

Ce faisant, les raconteurs seront davantage des créateurs de mondes et de systèmes que des  auteurs proposant des scénarios linéaires.

Adam Basanta ne croit pas que la question d’une I.A. libérée devrait se limiter aux notions de linéarité/interactivité ou même de prévisible/inattendu. Avec le sens de la formule qui le caractérise, il dit: «quand j’entends Matthieu parler de contenu fluide, je ne m’imagine pas une excursion dans la nature sauvage, mais bien un safari bien organisé».

L’I.A. au-delà des buzzwords

Le panel «L’I.A. au-delà des buzzwords» a continué sur le sujet de l’I.A. avec une nouvelle tablée de formidables panélistes: Éric Desmarais de Sporobole, Sofian Audry de Hexagram, Pía Baltazar de la SAT et Yves Jacquier d’Ubisoft, le tout animé par Rose Landry du Mila.

Cette dernière a mis la table à la conversation en posant une question lourde de sens: est-ce que l’I.A. générative constitue un véritable changement de paradigme?

«L’I.A. générative est un tsunami», lance d’emblée Pía Baltazar. Elle note toutefois que pour les experts évoluant dans le milieu, il ne s’agit pas nécessairement d’une surprise. «Il y avait déjà une vague de fond».

Sans détour, Yves Jacquier parle de disruption, précisant que c’est un changement majeur qui offre de nouvelles possibilités, mais qui peut aussi susciter une certaine angoisse. Il souligne l’importance d’accompagner les membres de son équipe dans ces changements. En guise d’exemple, il rappelle l’impact qu’a eu la capture de mouvement sur le travail des animateur.rice.s. Cette nouvelle technologie n’a pas mis un terme au rôle des animateur.rice.s, mais a permis de créer plus facilement les mouvements des passant.e.s dans une foule, ce qui a rendu possible un jeu à grand déploiement comme Assassin’s Creed.

De gauche à droite: Yves Jacquier, Pía Baltazar, Sofian Audry, Éric Desmarais et Rose Landry. Crédit photo: MUTEK

I.A.: la valeur des images en questions

La montée en puissance de l’I.A. générative nous force à reconsidérer ce qui constitue de la valeur dans les arts visuels. Éric Desmarais rappelle que depuis toujours, les illustrateurs vendent des images comme produits finis. Il pose la question: «dans un monde d’images à l’infini, où est la valeur?». Il croit que cette valeur réside maintenant davantage dans le concept à la base de l’image.

Abondant dans le même sens que ce que disait Adam Basanta plus tôt dans la journée, Sofian rappelle que l’I.A. sert principalement à «remixer des styles, des concepts et des processus». Le risque avec cette pratique, «c’est de ne pas avoir d’incitatifs à faire du nouveau, parce qu’il sera récupéré par la “machine”».

Une conversation en continu

À n’en point douter, le sujet de l’I.A. générative continuera de soulever les passions. Les échanges à ce sujet se poursuivront dans les prochaines semaines alors que se tiendront, à Montréal, les événements professionnels comme Montréal Connecte (15 au 18 octobre).

D’ici là, pour approfondir le sujet, nous vous conseillons les lectures suivantes:

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Avatar photo   David Lamarre

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